Le Nouvel Obs – Pourquoi Daech a détruit le temple de Baalshamin à Palmyre

Pourquoi Daech a détruit le temple de Baalshamin à Palmyre

Les jihadistes du groupe Etat Islamique (EI) poursuivent leur entreprise d’épuration artistique et culturelle au Proche-Orient. Après avoir tué 25 otages le mois dernier dans le théâtre gréco-romain de Palmyre, décapité Khaled al-Assaad, ancien chef des antiquités de la cité antique la semaine dernière et tués des dizaines de proches du régime, mais aussi des femmes et des enfants de la ville, ils ont fait sauter le temple de Baalshamin, l’un des joyaux du site archéologique syrien.
“La cella, partie close du temple, a été détruite et des colonnes autour se sont effondrées” a déclaré à l’AFP Maamoun Abdulkarim, directeur général des Antiquités et des musées de Syrie, ce dimanche 23 août. La date exacte du dynamitage de l’édifice n’est, à ce jour, pas connue.
“Un sanctuaire dédié au dieu Baalshamin, maître des cieux qui apporte la pluie, existait avant la conquête de Padmor (la cité des dattes) puis son intégration à l’Empire romain en 41 avant Jésus-Christ, sous le nom de Palmyre (la cité des palmiers)”, explique Vincent Blanchard, conservateur au Département des Antiquités orientales du musée du Louvre.

Le premier temple construit en pierre
Sous l’égide romaine, Palmyre se développe, ses habitants s’enrichissent. La ville est admirablement située dans un oasis entre la mer Méditerranée et l’Euphrate, sur la route de la soie et des épices. Dès le 1er siècle après J-C, les Palmyréniens font construire de somptueux bâtiments ou font agrandir ceux déjà existants, comme le temple de Baalshamin. “C’est le premier construit en pierre”, précise le conservateur. Auparavant, les architectes locaux utilisaient la brique.
On copie, on s’inspire du style gréco-romain, “la grande civilisation qui fait alors rêver le monde” poursuit-il. Pour les Palmyréniens, l’architecture gréco-romaine convient à leur prestige, mais ils l’adaptent à leur culture. Ainsi l’entrée du bâtiment se fait sur l’un des deux grands côtés et non de face, et les colonnes reposent sur des podiums sur lesquels les notables et les donateurs font apposer leur portrait. “L’art palmyrénien est un art de synthèse”, résume Vincent Blanchard.

Un temple plus grand encore est dédié au dieu babylonien Bel, ou Baal. Dans plusieurs langues régionales Baal signifie “maître, seigneur”. Ainsi, le nom d’Hannibal, commandant en chef des armées carthaginoises qui traversa les Alpes avec ses éléphants en 218 avant J-C, veut dire “qui a la faveur de Baal”. Bel ou Baal est donc l’un des dieux les plus importants de l’antiquité.
A Palmyre, on n’érige pas seulement des temples mais aussi des bâtiments profanes : un théâtre, une agora, une immense colonnade…. La ville continue de prospérer jusqu’à la fin du 3e siècle. Elle devient un royaume, mais la chute de la reine Zénobée, vers 273, la relègue au rang de simple ville de garnison.
Transformé en église au 5e siècle
Parallèlement, le culte rendu à Baalshamin évolue. “Il devient un dieu anonyme, ‘celui dont le nom est béni à jamais'”, explique le conservateur. Le culte est de plus en plus ésotérique. Est-ce pour cette raison qu’au 5e siècle, le temple de Baalshamin est transformé en église ? Et que les jihadistes ont choisi de le détruire en premier, plutôt que celui de Bel ?
Claire Fleury