La Vie – Un monastère pour les réfugiés par Laurent Grzybowski

 

« Nous sommes les exilés de la haine. » Au moment où notre pays est frappé par une vague d’attentats sans précédent, ces mots prononcés par Mouhamad, l’un des Syriens qui ont trouvé refuge, début septembre, au monastère de Bonnelles, dans les Yvelines, prennent un relief particulier. Les 2000 habitants de ce village perdu au milieu de la verdoyante vallée de Chevreuse ne se doutaient pas que le conflit qui ébranle l’Irak et la Syrie finirait par les concerner d’aussi près. Mais malgré les premières réactions de méfiance, la solidarité s’est vite organisée.

Au fil des semaines, les citoyens se sont mobilisés, les uns organisant des collectes de vêtements, de couvertures, de jouets ou de produits d’hygiène, les autres se mettant à la disposition des réfugiés pour dispenser des cours de français ou les aider dans leurs démarches administratives. Tout a commencé début septembre lorsque, pour faire face à une arrivée massive de migrants venus d’Allemagne, la préfecture des Yvelines a contacté Habitat et Humanisme, association de lutte contre le mal-logement, qui venait de racheter le monastère des Orantes (où résident encore six religieuses), isolé à quelques kilomètres du village. « Face à l’obscurantisme et au repli sur soi, nous ne pouvions pas faire autrement que d’accueillir ces personnes désemparées », affirme Bernard Devert, président fondateur de l’association. « Et nous avons bien fait car non seulement nous avons pu mettre ces familles à l’abri, mais cela a déclenché une vague de générosité. »

Un week-end d’octobre, 60 familles ont ouvert leurs portes aux Syriens et Irakiens pour un dîner, une balade à vélo, du jardinage. Aucun des migrants ne parle français et rares sont ceux qui maîtrisent l’anglais. Mais malgré la barrière de la langue, la volonté de communiquer avec leurs hôtes est manifeste. Sur les 60 exilés qui résident encore dans le monastère, une quarantaine suivent les cours de français dispensés par les bénévoles. La plupart d’entre eux ont effectué une demande d’asile. « Nous allons tout faire pour les aider à être régularisés », confie Laurent Segala, le coordinateur de l’association Habitat et Humanisme, à qui a été confiée la gestion du monastère. « Avec des papiers, ils pourront retrouver la sérénité à laquelle ils aspirent. Ils pourront aussi chercher du travail. Beaucoup ont laissé derrière eux des parents, une femme, des enfants. Il est donc important pour eux de travailler pour leur envoyer de l’argent. »

« La France a décidé d’accueillir 24.000 réfugiés, les deux prochaines années, pour répondre aux situations de guerre et de terreur vécues aux portes de l’Europe, explique Bernard Devert. Dans ce contexte dramatique et exceptionnel, chacun de nous est appelé à la responsabilité humaine et fraternelle. » C’est aussi pour cette raison que La Vie a choisi de soutenir ce projet en publiant un reportage dans le numéro du 10 décembre. C’est la première fois que le mouvement Habitat et Humanisme, qui oeuvre depuis 30 ans en faveur du logement et de l’insertion des personnes en difficulté, s’engage pour l’accueil des réfugiés. « Nous sommes délégataires de l’État qui finance les dépenses courantes, mais les besoins sont immenses. Or, une personne à la rue, c’est toujours une personne qui souffre. Il est hors de question d’opposer ou de hiérarchiser les détresses. Nous ne voulons plus qu’un enfant puisse naître dehors, dans le froid et la faim, que ce soit dans la rue… ou dans une étable. »

> Solidaires avec les migrants syriens :
Durant toute la période de l’Avent, comme chaque année, La Vie s’engage et invite ses lecteurs à une action de solidarité ciblée. C’est Habitat et Humanisme que nous vous proposons de soutenir pour Noël 2015. Depuis près de 30 ans, à travers des projets souvent innovants, Habitat et Humanisme a permis à des milliers de personnes et de familles en difficulté d’accéder à un logement décent et de bénéficier d’un accompagnement de proximité. Tourné vers l’accueil des réfugiés, le projet de l’ancien monastère de Bonnelles est une des nombreuses actions du réseau Habitat et Humanisme, fondé par Bernard Devert, qui agit de multiples manières sur tout le territoire français (accès au logement, pensions de famille, épargne solidaire, habitat intergénérationnel…). Dès la semaine prochaine, La Vie lancera un appel aux dons.
Renseignements : www.habitat-humanisme.org


Article paru dans La Vie, écrit par LAURENT GRZYBOWSKI