La Croix – Le grand mufti d’Égypte veut gagner " le combat idéologique " contre Daech

Dans une tribune publiée par l’agence Reuters, Shawki Allam défend l’islam, « religion pacifique et tolérante », et appelle à diffuser ses « vrais enseignements » en réponse aux crimes de Daech.

« Aucune religion ne justifie le recours à la terreur. » Le grand mufti d’Égypte, Shawki Allam, a publié mercredi 1er avril 2015, sur Reuters, une tribune à propos de l’égorgement de 21 Coptes par Daech en Libye.

« Les Égyptiens sont encore déchirés par la douleur pour leurs 21 compatriotes horriblement décapités en Libye », écrit cet ancien professeur de loi islamique, né dans le Delta et formé à l’université Al Azhar, devenu – depuis son élection en février 2013 – l’une des plus hautes autorités religieuses d’Égypte.

« Ce crime horrible ne trouve aucune justification dans n’importe quelle compréhension raisonnable de n’importe quelle religion. Seuls les extrémistes qui ont perverti l’essence de l’enseignement islamique peuvent concevoir l’idée que notre religion de miséricorde et de raison pourrait permettre le meurtre de travailleurs innocents qui ne faisaient que gagner de l’argent pour que leurs familles puissent vivre une vie digne. »

Profond traumatisme

Ce crime, rappelle Shawki Allam, a eu lieu quelques jours seulement après que Daech a brûlé vif un pilote jordanien, al-Mouath Kasaesbeh. Un acte d’une grande violence qui a provoqué un profond traumatisme dans le monde musulman. Le grand mufti d’Égypte y voit la preuve de « la menace mondiale croissante que ces idéologies extrémistes violentes font peser sur la paix et la sécurité internationales et sur l’islam ».

« Ces voyous invoquent des textes religieux pour justifier leurs crimes inhumains. Leur liaison mal conçue des textes sacrés à la violence a conduit à beaucoup de mauvaise interprétation des nobles idéaux de l’islam », regrette le grand mufti, qui n’y voit, lui, « qu’une hallucination de cerveaux malades », une « mécompréhension flagrante de la lettre et de l’esprit de la tradition islamique ».

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« Ces terroristes ne sont pas des militants musulmans mais des criminels qui ont été nourris d’une interprétation erronée du Coran et de la Sunna, les enseignements et les pratiques du prophète Mohammed », affirme-t-il encore, prenant le contre-pied du grand imam d’Al Azhar qui, s’est lui, toujours refusé à considérer les extrémistes de Daech comme hors de l’islam.

« Religion pacifique et tolérante »

« Pour vaincre les terroristes et défendre notre religion pacifique, tolérante, leur idéologie doit être contestée et déracinée au niveau matériel mais plus encore au niveau intellectuel. Nous devons persister avec une présentation exacte des vrais enseignements de l’islam, comme transmis depuis des siècles grâce à la sagesse collective des sages et des savants », estime Shawki Allam.

Au-delà d’une « guerre militaire contre le terrorisme », l’ancien professeur de sciences islamiques voit donc la nécessité d’un « combat idéologique »  : « Gagner ne nécessite pas seulement une victoire sur le terrain, mais, plus important encore, dans l’échange des idées et des informations qui permettra la réfutation de dogmes religieux radicaux. »

Le texte se conclut par un vigoureux appel adressé à la communauté internationale pour qu’elle soutienne l’Égypte dans cette « bataille contre le cancer terroriste »« L’Égypte se défend elle-même mais aussi l’humanité », rappelle le grand mufti qui demande à ses partenaires de « prendre des mesures pour couper les ressources financières des groupes terroristes, de les priver d’asile et d’ainsi empêcher leur croissance future ».

Anne-Bénédicte Hoffner