La Belgique veut préserver le « vivre ensemble » – La Croix

La Belgique veut préserver le « vivre ensemble »

« Nous étions quatre jeunes filles bruxelloises d’origine maghrébine, vivions dans des quartiers fragilisés et entendions de plus en plus de discours de prédicateurs violents, sexistes… », retrace Myriem Amrani, 41 ans, pour expliquer la genèse de l’association Dakira qui promeut le dialogue interculturel.

Elle remonte le temps : 2001, les tours jumelles, Al-Qaida, les musulmans du monde entier stigmatisés. Et le début de ses questionnements : ceux qui légitiment de telles attaques au nom de l’islam sont-ils musulmans ? Que dit le Coran ?

« Nous avons alors entamé des recherches, poursuit-elle. Nous nous sommes entourées de chercheurs. Nous voulions une analyse scientifique. » De ce travail est née Dakira (« mémoire », en arabe), qui propose des formations pour les travailleurs sociaux et autres professeurs afin de « vulgariser l’islam en tant que religion, l’islamisme en tant que mouvement politique et le djihadisme en tant qu’idéologie ».

Donner des clefs de compréhension

Myriem Amrani a lu avec attention l’ouvrage « Finalement, il y a quoi dans le Coran ? », coécrit par l’islamologue Rachid Benzine et le dramaturge Ismaël Saidi. Le livre, paru en juin 2017, se classe dans les meilleures ventes en Belgique. « Le but est de donner des clefs de compréhension, traduit Myriem Amrani. Les discours sont de plus en plus durs à l’encontre des communautés musulmanes. Traumatisés par les attentats, les gens peuvent être séduits par certains raccourcis. L’enjeu, en termes de « vivre ensemble », est de déconstruire ces postures. »

Le défi est de taille, selon Frédéric Rottier, directeur du centre « Vivre avec ». La société belge compte trois importantes communautés, une française, une flamande et une germanophone. Ce sont les tiraillements entre celles-ci qui poussent le roi Philippe à insister sur l’importance du « vivre ensemble » à chaque Fête nationale.

Frédéric Rottier observe en parallèle l’émergence du « pluralisme culturel », dans les grandes villes notamment, du fait de la diversité d’origine de ses habitants. Bruxelles ne compte par exemple que 44 % de Belges de naissance. 31 % de ses habitants sont nés hors de l’Union européenne et 25 % dans ses frontières.

Familiariser les primo-arrivants avec la Belgique

Grâce à des « ateliers citoyens », le Ciré (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers) est de ceux qui œuvrent à ce que ces communautés culturelles ou religieuses se comprennent. « Le but est de familiariser les primo-arrivants avec la Belgique, et de les aider à s’orienter dans leur vie quotidienne, expose Sylvie de Terschueren, en charge des questions d’intégration. La gestion des déchets peut, par exemple, être quelque chose d’assez nouveau, le réseau des transports en commun aussi. »

L’objectif n’est pas d’aller vers une société uniformisée. « La démocratie serait bafouée si l’on demandait à tout le monde de croire en la même chose, ajoute Myriem Amrani. Mais il y a un respect pour « l’autre » à observer, quelles que soient ses croyances. » Elle soupire : « C’est fou qu’on en soit à devoir rappeler ceci, aujourd’hui. »

Céline Schoen