Antoine Courban, humaniste engagé

Alors que les élections législatives du dimanche 6 mai dernier ont livré leurs premiers résultats, la figure d’Antoine Courban, professeur de médecine chrétien orthodoxe capable de faire trembler les vieux partis avec ses initiatives citoyennes qui séduisent les électeurs (et les lecteurs de L’Orient-Le Jour), peut éclairer les consciences. Tel un phare dans la brume. Au service de tous les Libanais.

Sur la porte de son bureau de professeur de médecine à l’université Saint Joseph de Beyrouth, cette plaque : « Pôle Médecine et Humanités », un département qu’il a fondé en 2008. Humanité : le mot revient régulièrement dans le discours, les conférences, les articles du docteur Antoine Courban, 68 ans, figure de proue de la diversité libanaise.

Contrairement à ceux qui ont déjà enterré l’esprit du Mouvement démocratique libanais de mars 2005 et des Printemps arabes de 2011, en les rebaptisant « hivers », Antoine Courban ne se demande pas à quoi ont servi les révoltes : « une graine a été semée, lance-t-il, il faut l’arroser pour qu’elle grandisse et donne des fruits. »  À l’opposé de ces chrétiens qui regrettent les dictatures, affirmant qu’elles les protégeaient de l’extrémisme musulman, le professeur Courban croit plus que jamais à cette jeunesse arabe, qui de Beyrouth à Tunis osa descendre dans la rue pour réclamer pacifiquement le départ de leurs dirigeants corrompus, et exiger des droits universels…

Lors des élections municipales de mai 2016, « sa » liste citoyenne « Beyrouth Madinati » (Beyrouth ma cité), composée de citoyens Libanais issus de la société civile, a remporté un succès inattendu , face aux vieux partis de l’establishment : 95% dans la première circonscription de la capitale, un quartier à dominante chrétienne. Mais plus étonnant encore fut les taux obtenus dans la seconde circonscription, à forte présence chiite avec 25% environ, ainsi que les 45 % dans la troisième, quartier, habité en majorité par des sunnites. Un résultat positif qui démontre « la volonté les gens de vouloir en finir avec le féodalisme des clans et des confessions qui ronge nos sociétés », se réjouit le professeur. Il en est sûr ! L’esprit est toujours là, mais il sait qu’il faudra du temps pour arriver à installer une société civile durable. Reculs et temps morts font partie du combat.

Les chiffres encourageants obtenus par sa la liste ont interpellé les vieux partis. Dans les semaines qui ont suivi le scrutin, Antoine Courban a été sollicité par plus d’un baron de la politique, dans l’espoir de le récupérer lors de campagnes électorales futures. Le médecin a décliné poliment, conseillant à ces leaders d’aller écouter les doléances de ceux qui peinent pour boucler leurs fins de mois.

En juin 2016 pour ne pas que le succès de « Beyrouth Madinati » reste sans lendemain, il a fondé avec des acteurs de la vie civile, chrétiens, musulmans et druzes, un groupe de réflexion sur le vivre-ensemble en vue de protéger la diversité, richesse du Liban et du monde méditerranéen. Baptisé Liban Humaniste, ce think tank mobilise les consciences, et ses militants n’hésitent pas à descendre dans la rue pour peser sur la vie politique. « Nous ne voulons plus, explique Courban, que le pays reste entre les mains de corrompus qui mettent la nation en coupe réglée. Les richesses et les devoirs doivent être partagés. Tout un pan de la population libanaise est aujourd’hui rejeté. »

Dans cette joute, « les chrétiens ont un rôle capital » à jouer, affirme Courban, rédacteur en chef, lui le chrétien orthodoxe, de la revue créée par les jésuites Travaux et Jours. « L’homme, souligne-t-il, n’est ni l’esclave, ni le rival de Dieu. L’importance de la personne humaine et de son libre arbitre que nous avons assimilé, nous vient de la perception chrétienne du monde et de l’homme. Nous devons nous efforcer de la diffuser dans les sociétés orientales, où la loi tribale prévaut trop souvent encore sur la dignité et les droits de l’Individu »… avec un I majuscule bien entendu.

Luc Balbont