” A condition qu’elle fasse preuve de courage “

           
Recueilli par Agnès Rotivel

     

Didier Billion, Directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques

La France est un des États qui, sur le dossier israélo-palestinien, a encore des titres à faire valoir, une continuité dans l’histoire, des positions qui jusqu’à une période récente étaient assez équilibrées, s’inscrivaient systématiquement dans le code du droit international. Je pense que l’on peut se prévaloir d’une ancienneté de participation aux résolutions de ce type de dossier. La question est de savoir si le gouvernement actuel, qui porte ce projet, aura suffisamment de courage. Je n’en suis pas persuadé.
Les dernières séquences, notamment celle du ministre des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, qui s’est confondu quasiment en excuses parce que Benyamin Netanyahou avait fait un froncement de sourcils, sont assez déplorables. Il n’y a pas à s’excuser à propos de la résolution de l’Unesco. Il n’y a rien d’anti-israélien dans cette résolution, rien de répréhensible dans le code du droit international. Je suis choqué que François Hollande lui-même dise que ce vote est fâcheux. Parce qu’on dit qu’il s’agit des territoires occupés ? Oui, de fait ce sont des territoires occupés.
Si c’est là notre attitude, alors non, on n’aboutira pas à un quelconque résultat. Nous n’aurons aucun moyen pour tenter de faire avancer ce dossier. Si on porte un dossier aussi compliqué, il faut faire preuve de fermeté, de courage, de résolution. Je ne suis pas sûr que le gouvernement actuel ait ces trois qualités.
La France, bien qu’elle soit aujourd’hui une puissance moyenne, a encore, ou devrait encore avoir une forme de singularité dans les relations internationales et sa parole peut encore porter si elle fait preuve de courage. Quelles que soient les pressions israéliennes – et dans les 48 heures à venir, elles seront nombreuses sur Manuel Valls – son rôle est de dire : on continue, on monte la conférence début juin. Après on verra, à l’automne, à partir des paramètres mis noir sur blanc à la conférence du 3 juin. On passera alors à la phase suivante, en invitant les Israéliens et les Palestiniens et en continuant sur une ligne intransigeante de l’application du droit international.
En termes de timing, avec l’élection présidentielle aux États-Unis, on peut estimer que l’initiative française – une idée de Laurent Fabius –, n’est peut-être pas très appropriée. Mais on peut renverser l’argument et considérer que, puisque c’est la dernière ligne droite de Barack Obama, on peut escompter un soutien de sa part.
Ce dernier n’a plus rien à perdre. Il avait fait de belles promesses lors de sa première élection en 2008, il n’a rien fait ensuite. Il a capitulé devant ­l’Aipac (lobby américain pro-Israël, NDLR) pr aux États-Unis. Il s’est fait maltraiter par le gouvernement israélien. Jusqu’en janvier, date de sa passation de pouvoir, le président américain, s’il en a la volonté et le courage, est en mesure de s’émanciper de ces pressions et de s’impliquer davantage.
Recueilli par Agnès Rotivel