​A Dwela, quartier chrétien de Damas, la guerre sur le palier

Jobar est la ligne de front de la bataille de Damas.

À quelques encablures de là, les habitants de Dwela vivent dans la fausse normalité d’un conflit qui les ronge à petit feu.

« On vit normalement ici. Ce sont les médias qui grossissent tout ! Ils disent que la Syrie est en ruine, alors que dans beaucoup de régions, la vie se déroule comme avant », assure Dima (1) dans sa cuisine étroite, une énième cigarette aux lèvres. Le survol assourdissant d’un Mig 23 de l’armée syrienne ne bouleverse pas son réveil matinal. Pas plus que la déflagration d’une bombe, au loin, tandis que cette musulmane aux cheveux gris coupés court trempe ses lèvres dans un café noir.

À Dwela, quartier chrétien de Damas, la guerre est devenue un arrière-plan macabre que les habitants tentent, tant bien que mal, de dépasser. Pourtant ils se trouvent ici à trois kilomètres de Jobar, la ligne de front entre les troupes loyalistes et les groupes djihadistes. Jobar où le régime syrien avait perpétré une attaque chimique en mai 2013.

« Ils ont volé notre enfance »

Dans l’immeuble où Dima vit avec son mari Wissam, amaigri et alité après une opération, tous se disent habitués aux bruits. Sans peur apparente, chacun distingue le tremblement lointain des bombes du régime des roquettes de l’opposition qui s’écrasent entre Dwela et Bab Touma, la porte orientale de la vieille ville de Damas. Pourtant, le conflit qui sévit depuis cinq ans s’est infiltré dans les pores les plus infimes de leur vie quotidienne.

Dima et Wissam font partie des 7,6 millions de déplacés internes de Syrie. Avec leurs deux enfants réfugiés au Liban, ils avaient quitté leur ville natale, Homs, pour s’installer à Alep, avant que le conflit ne déchire la ville en deux. Pendant les affrontements, Wissam y distribuait des biens aux habitants. Sa boutique a été pillée, comme sa maison natale de Homs. Quand il évoque ce souvenir avec Marie, la voisine de palier, il éclate en sanglots : « Ce n’est pas pour l’argent que je pleure. C’est parce qu’ils ont volé notre enfance. »

Salon de thé dans l’escalier

Marie, chrétienne, entre chez Dima et Wissam comme dans un moulin. Entre les deux appartements aux portes toujours ouvertes, les voisins ont aménagé les escaliers en salon de thé. Ils s’y rassemblent le soir entre deux coupures d’électricité.

Ces soirées à la chandelle sont peuplées de souvenirs de l’avant-guerre : « Je me rappelle la fois où j’ai pris le train de nuit entre Rakka et Homs. À l’arrivée, tout le monde sur le quai se battait pour me raccompagner chez mes parents, ressasse Marie, les yeux brillants.On vivait comme ça, sans se demander de quelle confession était le voisin. » Tous les locataires de l’immeuble ont été déplacés.

Mais entre musulmans et chrétiens, issus de Homs, de Deraa ou de Damas, ils ont recréé une vie communautaire qui les aide à tenir, comme l’an dernier, quand une roquette s’est abattue sur le toit, effrayant la petite Lili au troisième.

Sur son lit de malade…

Dima en est convaincue : si l’armée syrienne bombarde Jobar et les autres villes assiégées de la banlieue est de Damas, c’est en réplique à ces tirs arbitraires de roquettes : « l’État est là pour protéger ses citoyens », assène-t-elle. Sur sa télévision, dans le salon, la chaîne progouvernementale Al-Mayadeen tourne en boucle, un animateur pointant sur la carte du pays les infiltrations de groupes dits terroristes.

Jobar y fait bonne figure, même si l’animateur ne dit rien sur l’absence d’aide humanitaire pour ses habitants, l’endroit étant l’une des seules zones assiégées que les convois de l’ONU n’ont pu pénétrer en juin.

Sur son lit de malade, Wissam, lui, compte chaque passage d’avion. « C’est terrible de savoir qu’ils vont frapper nos voisins dans la Ghouta (banlieue de Damas, NDLR). J’y ai beaucoup de proches. J’ignore comment on a pu en arriver là mais, quoiqu’il arrive, j’espère que nous saurons rester unis. »

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L’opération turque en Syrie fait des dizaines de morts

Des dizaines de personnes ont été tuées dimanche 28 août dans le nord du pays par d’intenses bombardements de l’armée turque. Celle-ci a annoncé avoir tué 25 « terroristes » kurdes.

L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) rapportait, de son côté, la mort d’au moins 40 civils. L’armée turque est entrée mercredi 24 août en Syrie. Elle y disposerait de 50 chars et de 380 soldats. L’opération « Bouclier de l’Euphrate » vise à chasser Daech de la frontière et à stopper la progression des autonomistes kurdes.

Jarablos, l’ancien fief de Daech situé à la frontière turque, a été la première localité à tomber aux mains de rebelles soutenus par Ankara. L’armée turque a ensuite ciblé Jeb El-Koussa
et Al-Amarné, contrôlées par des combattants locaux soutenus par les forces kurdes.

Amal Al Adab (à Dwela, Syrie)

(1) Tous les prénoms ont été modifiés.